Interview de Baptiste Fraboul : Technical Director chez Fortiche

Diplômé en 2023 du cursus Réalisateur Numérique à l’École des Nouvelles Images, Baptiste Fraboul s’est très tôt passionné pour les aspects techniques de la 3D. Aujourd’hui Technical Director chez Fortiche, il évolue au cœur des départements FX et CFX. Il revient sur son parcours, son quotidien en studio, les qualités essentielles du métier de TD et livre ses conseils aux étudiants curieux de suivre cette voie.
Pouvez-vous vous présenter, nous parler de votre parcours académique et de votre évolution professionnelle ?
Je m’appelle Baptiste Fraboul et je suis aujourd’hui Technical Director (TD) chez Fortiche, au sein des départements FX3D et CFX. Après le bac, j’ai fait une prépa aux Ateliers de Sèvres pour préparer les concours d’écoles d’animation. J’ai finalement intégré l’École des Nouvelles Images, où j’ai suivi le cursus de Réalisateur Numérique dont j’ai été diplômé en 2023.
Les trois premières années étaient consacrées à l’apprentissage des bases de la 3D, dans un contexte un peu particulier puisque le Covid nous a confinés à distance, ce qui a été un vrai challenge pour une formation aussi collaborative. Ensuite, je me suis spécialisé en image, ce qui englobe la texture, le lighting, le rendu, et les FX.
Très vite, je me suis intéressé à la manière dont les logiciels fonctionnent, à la logique derrière les outils. En quatrième année, j’ai appris le langage Python en autodidacte. C’est ce qui m’a permis d'effectuer un stage en développement Pipeline chez TNZPV, où j’ai énormément appris au contact des développeurs et des équipes.
En 5ème année, j’ai étudié le fonctionnement de Wizard, l’asset manager que nous utilisions pour nos films de diplôme. J’ai fait pas mal d’améliorations et de scripts pour le film de diplôme pour faire en sorte que l’équipe puisse travailler le plus sereinement possible.
Après l’école, j’ai travaillé deux mois chez Fix Studio en tant que TD Nuke sur des produits de luxe avant de rejoindre Fortiche en janvier 2024 pour la fin de la saison 2 d’Arcane. Je suis encore à Fortiche où j’ai pu travailler sur des clips pour League of Legend
En quoi consiste votre métier de Technical Director chez Fortiche ?
Il y a deux grandes dimensions dans mon travail.
La première, c’est le support technique aux artistes. Lorsqu’un outil ne fonctionne pas, qu’un bug apparaît, ou qu’un script génère une erreur, les artistes remontent le problème via des tickets. Mon rôle est alors de prioriser les demandes, reproduire les bugs, et corriger le code ou les configurations concernées.
La deuxième, c’est la création de features (outils, scripts etc.) pour faciliter le travail des équipes. On échange avec les artistes pour identifier les tâches répétitives ou complexes, et on développe des scripts ou interfaces pour automatiser ou simplifier leur quotidien. Sur certains projets, il est possible que l’on fasse appel aux TDs pour intégrer des nouvelles méthodes de fabrication dans le pipeline du studio.
Quelles sont les qualités requises pour exercer votre métier ?
Deux qualités me semblent essentielles. La première, c’est la curiosité. Il faut aimer comprendre comment les choses fonctionnent, explorer les logiciels en profondeur, chercher des solutions créatives à des problèmes techniques.
La seconde, c’est le contact humain. Le métier de TD demande de collaborer avec des profils très différents : développeurs, artistes, superviseurs… Il faut savoir écouter, vulgariser, poser les bonnes questions, et s’adapter aux niveaux techniques variés de ses interlocuteurs. La communication est vraiment au cœur du rôle.
Quel a été votre plus grand challenge ?
L’un des plus gros défis a été d’apprendre à m’organiser efficacement. En tant que TD, on reçoit des tickets de plusieurs personnes, et il faut savoir hiérarchiser, évaluer l’urgence, et gérer les priorités selon les deadlines des départements. C’est un vrai exercice d’organisation.
Pendant mes études, le confinement lié au Covid a aussi été un moment difficile. J’étais confiné seul dans mon appartement étudiant durant ma 2ème et 3ème année, or ce sont durant ces années que l’on a besoin de se sociabiliser, et que l’on profite le mieux de l’émulation collective d’une salle de classe et de l’entraide entre camarades pour apprendre les logiciels de 3D.
Pourquoi avez-vous choisi l’École des Nouvelles Images ?
Au début, je pensais faire plutôt de la 2D. Lorsque j’étais à l’Atelier de Sèvres, Julien Deparis est venu faire une présentation pour l’ENSI. Catherine Totem, la directrice de la prépa m’avait conseillé d’y assister. J’ai vraiment été bluffé par la projection de Hors Piste. Je me suis dit : “Si on sait faire ça en sortant de cette école, j’ai envie d’y aller.”
J’étais vraiment curieux de comprendre comment est-ce que l’on fabrique un film 3D comme Hors Piste en m’inscrivant à l’Ecole des Nouvelles Images. Je pense que c’est cette curiosité qui m’a poussé lentement vers le métier de TD.
Qu’est-ce que l’École des Nouvelles Images vous a apporté ?
Beaucoup. D’abord, une base en 3D — je n’avais jamais touché à un logiciel de 3D avant l’école, et j’ai beaucoup appris sur ce médium. J’ai aussi acquis une culture artistique enrichissante grâce aux cours de dessin, d’anatomie, photographie, design, histoire de l’art, etc..
Enfin, l’école m’a permis de constituer un réseau professionnel grâce à des événements comme les Matinales, où des studios viennent rencontrer les étudiants. Ces échanges sont précieux pour comprendre les attentes du secteur.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Je suis encore en pleine exploration. Le métier de TD est passionnant, mais j’aimerais peut-être un jour revenir à la fabrication d’images. J’avais l’impression à la sortie de l’école qu’il fallait se spécialiser dans un métier pour toute sa carrière. En réalité, il y a des passerelles : on peut se réorienter durant toute sa vie professionnelle. Pour ma part, j’hésite à revenir sur des postes plus artistiques comme FX ou CFX artiste. Je reste ouvert.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaite suivre votre voie ?
Le premier conseil : apprenez le Python. C’est un outil très puissant pour gagner en efficacité et comprendre comment fonctionne les logiciels que vous utilisez. A première vue, cela semble une perte de temps, mais sur le long terme c’est quelque chose qui vous débloque pas mal de problèmes et vous fera gagner beaucoup de temps et économiser de la charge mentale. Le métier de TD s’apprend essentiellement sur le tas, mais il est nécessaire d’avoir les bases du Python.
Le deuxième conseil c’est : aidez les autres. En partageant ses scripts, en répondant aux problèmes des autres, on se forme à la réalité du métier. En 5ème année j’ai passé du temps à dépanner les équipes des autres films de fin d’études. Ça m’a énormément appris.