Interview de Florence Susanna : Rig & Layout Artist chez Circus

Florence, passionnée aussi bien par les sciences que par l’art, a trouvé dans l’animation 3D un équilibre entre technique et créativité. Diplômée en 2024 de l’École des Nouvelles Images, elle travaille aujourd’hui au sein du studio Circus sur un long-métrage. Spécialisée en rigging, en layout et en animation, elle revient sur son parcours, les réalités de son métier et partage ses conseils à ceux qui souhaitent s’engager dans cette voie exigeante mais passionnante.
Pouvez-vous vous présenter, nous parler de votre parcours académique et professionnel ?
Je m’appelle Florence, je suis née à Avignon et j’ai toujours été partagée entre une attirance pour l’artistique et une sensibilité pour les sciences. Après un bac scientifique, j’ai tenté une première fois le concours de l’École des Nouvelles Images en 2019, que j’ai raté de peu. J’ai alors intégré une prépa artistique pour retenter ma chance, et j’ai fini par intégrer l’école.
J’y ai effectué un cursus complet de cinq ans tout en travaillant à côté pour financer mes études. J’ai obtenu mon diplôme en 2024 avec le film Yacht. Peu après, j’ai été embauchée au studio Circus, où je travaille aujourd’hui sur un long-métrage en tant que rig & layout artist.
En quoi consiste votre métier chez Circus ?
Je suis actuellement sur un long-métrage, et je travaille dans deux départements : le rigging et le confo layout. Pour résumer simplement, le rig permet de “donner vie” à un modèle 3D statique en lui créant un squelette articulé. On installe tous les systèmes nécessaires pour que les animateurs puissent manipuler les personnages et objets dans l’espace.
C’est une phase très technique, souvent redoutée car elle mêle mathématiques, anatomie, logique et codage. On cherche constamment à trouver le bon équilibre entre fidélité au design imposé par la direction artistique, flexibilité du rig, et optimisation des performances.
En parallèle, je fais aussi du confo layout, qui consiste à préparer les scènes, les optimiser, pour que tout soit prêt à être animé.
À quoi ressemble une journée type dans votre métier ?
Il n’y a pas de vraie journée type, car tout dépend du projet. Certains jours, on travaille sur des tâches très automatisées grâce à des outils créés par notre superviseur. D’autres jours, on est en phase de recherche pour imaginer des systèmes spécifiques à un personnage ou à une action.
Je pense que c’est un métier où il faut être patient, rigoureux, et savoir réfléchir en termes d’optimisation et d’adaptation. Chaque personnage est différent, chaque projet a ses propres exigences techniques. Faire le rig d’une mouette, ce n’est pas comme faire celui d’un quadrupède, les systèmes ont leurs différences !
Quelles sont les qualités requises pour exercer ce métier ?
Je dirais la patience, l’esprit logique et une certaine aisance avec des notions scientifiques. Personnellement, mon parcours scientifique m’aide beaucoup, et c’est souvent un atout dans ce domaine. La plupart de mes collègues viennent aussi de parcours similaires, comme des prépas scientifiques ou des formations techniques, ce qui montre à quel point une base en logique, en anatomie ou en mathématiques peut être précieuse pour exercer ce métier.
Je pense qu’il faut aussi avoir une bonne compréhension de l’anatomie et garder un œil artistique. Même si on est dans une phase très technique, notre travail doit respecter la silhouette, la forme et les intentions artistiques du film.
Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier ?
Ce que j’aime, c’est justement ce mélange entre la rigueur technique et la sensibilité artistique. Il y a un vrai défi intellectuel à résoudre des problèmes complexes, mais toujours au service d’un projet créatif. J’aime aussi l’anatomie, et mon goût pour le sport se retrouve dans l’observation des mouvements et des mécaniques corporelles.
Chaque jour est différent, chaque rig est un nouveau puzzle à résoudre. Et puis on travaille en lien avec de nombreux autres départements, ce qui rend le métier encore plus riche.
Combien de temps prend la phase de rig dans la production d’un film ?
Je n’ai pas beaucoup d'expérience mais encore une fois, je dirais que cela dépend ! Selon les projets, le budget, le nombre de personnages, le niveau de détail, le type d’animation prévue, et si un autorig est en place, cela peut prendre deux semaines comme six mois.
Plus il y a d’animateurs impliqués, plus le rig doit être robuste, intuitif et standardisé. C’est pourquoi on utilise souvent un autorig de base développé par un superviseur pour garantir une cohérence à l’échelle du projet.
Avez-vous rencontré des challenges particuliers dans ce métier ?
Oui, bien sûr. En sortant d’école, le premier vrai défi, c’est de recontextualiser tout ce qu’on a appris en formation dans un environnement professionnel.
On doit faire face à des enjeux concrets, des délais serrés, des contraintes client… Et on n’a plus le “filet de sécurité” de l’école. C’est un vrai passage vers la vie pro, mais c’est aussi très stimulant.
Je commence à peine ma carrière, donc j’aurai surement beaucoup d’autres challenges !
Pourquoi avoir choisi l’École des Nouvelles Images ?
J’ai trouvé à l’école un équilibre idéal entre réalisme professionnel et ouverture artistique.
On y apprend tous les métiers de la chaîne de production, ce qui évite de rester cloisonné dans un seul domaine. Et surtout, l’ENSI est une école qui prépare vraiment à l’insertion pro, qui permet à ses élèves de commencer à se faire un réseau : matinales avec des studios, présence au festival d’animation d’Annecy, accompagnement après le diplôme… Le réseau est solide et l’école reste un vrai soutien même après la sortie.
Qu’est-ce que l’école vous a apporté ?
Beaucoup : des bases solides en 3D, une culture artistique, un réseau professionnel et un regard concret sur le monde du travail.
Les intervenants viennent pour beaucoup du milieu pro, certains sont là depuis des années, d’autres en activité dans des studios. Cela nous permet d’avoir une formation actuelle et connectée aux réalités du métier, d’en voir toutes les facettes.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaite suivre votre voie ?
Je lui dirais : sois curieux, va vers les autres, et travaille en autodidacte. L’école donne une excellente base, mais elle ne peut pas tout couvrir. C’est à chacun d’approfondir selon ses envies, de tester, d’apprendre par soi-même.
Et surtout, crée du lien. Ce métier repose beaucoup sur le réseau. Ose poser des questions, participe, échange. Et enfin : cultive ton amour de l’image. C’est un métier où l’on apprend en continu, où il faut rester à l’écoute des tendances, des outils, et où l’expérimentation fait toute la différence. Enfin, je lui conseillerai de soutenir le monde de la culture, de s’engager pour ne pas qu’il s'écroule, c’est important aujourd'hui, plus que jamais !