Interview de Yannick Jacquin : Animateur 3D Freelance

Diplômé en 2022 du cursus Réalisateur Numérique à l’École des Nouvelles Images, Yannick Jacquin débute sa carrière entre Paris et le sud de la France. Après plusieurs expériences en motion capture et animation keyframe, il se lance en freelance et travaille aujourd’hui pour des studios comme Hocus Pocus. Il revient sur son parcours, les spécificités de son métier et les qualités essentielles pour évoluer dans le secteur de l’animation.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours académique et professionnel ?
Je m'appelle Yannick Jacquin, j'ai 26 ans et je suis animateur 3D. Je viens du sud de la France et j’ai étudié à l’École des Nouvelles Images, où j’ai obtenu en 2022 le diplôme de Réalisateur Numérique. Cette formation m’a énormément apporté, tant sur le plan technique que personnel. Après mon diplôme, j’ai rapidement décroché un premier contrat à Paris chez Circus. C'était une mission de six mois en cleanup de motion capture sur le film Jeanne d’Arc.
Après une courte période de chômage, je suis retourné dans le sud pour travailler sur le long-métrage Flow. Cette fois, j’étais en animation keyframe dans un studio à Marseille nommé “Le Studio”, sous-traitant de Sacrebleu Productions, basée à Paris. C’était un projet très formateur, d’une durée de six mois également.
Depuis quelques mois, je suis de retour à Paris, mais je travaille en freelance pour Hocus Pocus Studio, une entreprise lyonnaise spécialisée en animation. J’y réalise de la publicité, notamment pour Spontex. Ce contrat m’a poussé à me lancer en freelance, car l’intermittence n’était pas acceptée. J’ai donc monté ma propre structure. Même si ce projet est de courte durée, la collaboration se passe bien et pourrait déboucher sur de futures opportunités. En parallèle, je continue de chercher d'autres missions, à Paris ou en télétravail.
À quoi ressemble une journée type dans votre métier ?
C’est justement ce que j’adore dans ce métier : il n’y a pas vraiment de journée type. Chaque jour est différent, car cela dépend des projets en cours. On nous attribue des plans — ou “shots” — à traiter, et notre tâche est de les animer, puis de les envoyer au lead ou au senior qui nous fait des retours. On reprend ensuite les plans jusqu’à validation.
Parfois, la journée commence par des retakes, parfois par de la création de nouveaux plans. Il peut aussi y avoir des points réguliers avec les supérieurs pour s’aligner sur le style global du film. Comme on est souvent plusieurs animateurs sur un même projet, il est essentiel d’harmoniser les animations. Le temps passé sur un film varie beaucoup selon la taille de l’équipe et le budget. Sur Flow, on était une vingtaine et le projet a duré environ six mois. À l’inverse, sur Jeanne d’Arc, nous n’étions que deux à trois animateurs, mais la charge était différente grâce à la motion capture.
Quelles sont les qualités requises pour exercer votre métier ?
Je dirais qu’il y a deux qualités principales : l’observation et l’autocritique. L’observation permet de repérer les petits détails qui rendent une animation réaliste — que ce soit dans la rue, dans un film, ou en analysant des références. Ensuite, il faut être capable de retranscrire ces observations de façon créative, sans simplement les copier.
Ensuite, il faut accepter la critique. Les retakes sont fréquents et font partie intégrante du processus. Être ouvert aux remarques, savoir se remettre en question et vouloir progresser sont des qualités essentielles. Quand on débute, il ne faut pas s’attendre à tout faire parfaitement du premier coup, mais plutôt être dans une logique d’amélioration constante.
Quel a été votre plus grand challenge professionnel ?
Il y en a eu plusieurs. Le premier, c’est simplement de trouver un emploi. Le contexte actuel est compliqué avec l’arrivée de l’IA, des licenciements, et des studios qui ferment. C’est un vrai challenge de se positionner sur le marché.
Dans les projets eux-mêmes, j’ai eu deux gros défis. Le premier, c’était sur Boom, mon film de fin d’études. J’ai dû apprendre un logiciel de gestion de foules un mois et demi avant le rendu final. C’était intense : nuits blanches, tests en urgence… Mais c’était aussi très stimulant. Je m’occupais aussi du design sonore, notamment des cris d’animaux, ce qui demandait pas mal de recherche et de créativité.
Le second, c’était sur Flow. On était beaucoup de juniors, avec des attentes très élevées en termes de qualité d’animation. Il a fallu se dépasser, et c’était un excellent tremplin : on a tous énormément progressé en peu de temps.
Pourquoi avoir choisi l’École des Nouvelles Images ?
C’est un choix qui s’est fait dans un contexte particulier. J’avais d’abord tenté le concours de MOPA, mais j’ai appris que Julien Deparis, le directeur, quittait l’école avec une partie de l’équipe pédagogique pour fonder l’ENSI. J’avais eu un bon feeling avec lui et son équipe, donc j’ai décidé de les suivre. J’ai eu les deux concours, mais j’ai choisi l’ENSI. Et je ne regrette rien : j’y ai passé cinq années exceptionnelles, tant sur le plan humain que professionnel.
Qu’est-ce que cette école vous a apporté ?
Beaucoup de choses. D’abord, une grande confiance en moi et un cadre bienveillant. On a pu toucher à toutes les facettes des métiers de l’animation, ce qui m’a permis d’avoir une vision complète du pipeline de production. Aujourd’hui, ça me sert énormément : je peux échanger avec les rigueurs, les modeleurs, les personnes en charge des textures ou des FX avec des termes précis. C’est un atout énorme en production. L’école m’a aussi permis de créer un premier lien avec le monde professionnel grâce aux matinales, des rencontres organisées avec des studios du secteur. Toute l’école peut y assister, poser des questions, et en cinquième année, présenter son projet de diplôme à ces professionnels. C’est une vraie opportunité pour se faire connaître et commencer à bâtir son réseau.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Continuer à progresser, à me challenger, à monter en compétence. Je veux m’impliquer à fond dans ce métier qui me passionne. Et sur le long terme, j’aimerais revenir dans le Sud. Mais pour l’instant, je me concentre sur mon développement professionnel.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant souhaitant suivre votre voie ?
Accrochez-vous ! Ce n’est pas toujours simple, il y aura des problèmes techniques, des doutes, mais tout est surmontable. N’hésitez pas à poser des questions : les gens du milieu sont souvent très bienveillants. Et surtout, éclatez-vous. Ce métier est incroyable, il donne une vraie liberté créative. Si vous aimez ce que vous faites, ça se ressentira dans votre travail — et ça, c’est la clé pour aller loin.